mardi 20 mars 2012

Découverte

J'ai lu le journal avec quelques jours de retard ce matin, et je suis tombé sur une interview dont vous reconnaîtrez probablement le protagoniste !

Martin Kopp : L’indigné modèle


À Pushkar, en Inde, une étape du voyage qui a élargi l’horizon de Martin Kopp. Le fils de l’actuel pasteur de Saverne donne une conférence aujourd’hui à Saverne.  document remis
À Pushkar, en Inde, une étape du voyage qui a élargi l’horizon de Martin Kopp. Le fils de l’actuel pasteur de Saverne donne une conférence aujourd’hui à Saverne. document remis

Doctorant en théologie protestante, Martin Kopp a réalisé un rêve d’enfance : partir, sac au dos, autour du monde. L’expérience a transformé le jeune homme en activiste politique. Rencontre avec un indigné qui a de la suite dans les idées.

Tu as fait un tour du monde ; en 2010-2011. Pourquoi es-tu parti ?

­­Le projet remonte à environ sept ans. J’habitais Schillersdorf. L’organiste du village avait épousé un Hawaïen. Le couple, avec qui je m’entendais bien, m’avait invité à venir chez eux, à Hawaï. Mais ce n’était pas possible pour moi, c’était beaucoup trop cher. C’est là qu’est née l’idée d’économiser pour partir là-bas. Je me suis dit que si déjà je partais au bout du monde, autant voir un peu le reste. Grâce à Internet, j’ai découvert que beaucoup de gens faisaient le tour du monde. Il y a même des blogs qui expliquent comment gérer son appartement si on le quitte, sa santé… Quand j’ai vu que des gens partaient comme ça, seuls, en routard, mais avec un budget, je me suis dit que c’était possible.

Si on est chrétien, on est indigné Comment ton projet est-il devenu réalité ?

J’ai économisé pendant sept ans, depuis que je peux travailler légalement : les jobs d’été, la fac. La famille m’a un peu aidé, mais 80 à 90 % du budget (17 000 euros) vient de moi. J’ai pensé mon projet pendant quatre ans. Et puis le moment opportun est arrivé : entre mon master et ma thèse en théologie. Je n’avais pas d’attaches, j’avais les finances suffisantes, ça tombait bien.

En fonction de quoi as-tu planifié ton parcours ?

La seule chose planifiée sérieusement, c’était l’itinéraire en avion entre les différentes destinations. Il y avait bien sûr Hawaï. Et puis j’ai voulu aller dans des continents où je n’étais jamais allé : l’Asie, l’Amérique latine. J’avais été en Europe, en Amérique, grâce notamment aux Équipes unionistes luthériennes (EUL), une association de Neuwiller-lès-Saverne où j’ai été animateur. Ma marraine travaillait à Djibouti, j’ai donc déjà découvert les réalités de l’Afrique. Je ne partais donc pas comme l’Européen naïf et candide qui découvre le monde…

Quel était ton objectif ?

Il y avait plusieurs objectifs, certains sérieux, d’autres, je dirais de « plaisir égoïste ». L’aspect sérieux, c’était d’être confronté à la réalité du monde, notamment en Inde, aux inégalités économiques et de ressources. J’avais aussi envie de m’immerger dans de nouvelles cultures. Partir à la rencontre d’autres religions et notamment du christianisme, hors de l’Europe. Pour l’aspect loisirs, il y a trois rêves que je voulais réaliser : plonger avec les grands requins blancs, en Australie chez Rodney Fox, qui possède l’entreprise qui est à l’origine et reste la référence en matière de plongée avec les requins blancs. Ensuite, passer trois semaines au fond de la forêt amazonienne chez les Indiens, avec le pasteur luthérien Walter Sachs. Ce dernier, uniquement soutenu par des dons en Europe, était venu à Schillersdorf présenter son travail, en compagnie d’un chef indien. Il fait de la mission « new generation » : il ne parle pas du tout de la foi chrétienne, mais travaille en fonction des besoins des personnes sur place. Il a notamment fait reconnaître comme protégées les terres des Indiens, travaille à la purification de leur eau et leur permet d’avoir une éducation minimale en mathématiques et en portugais. Troisièmement, ce n’était pas prévu, mais ça s’est fait, j’ai pu vivre une expérience à la Robinson Crusoé, trois jours sur une île déserte au Cambodge, en compagnie de deux Français rencontrés par hasard… en mode « Into the wild ».

Au final, quel a été ton parcours ?

J’ai voyagé six mois, j’en avais prévu huit, mais j’ai attrapé le palu et j’ai dû être rapatrié. Je suis parti d’Inde, pour la Chine, le Vietnam, la Thaïlande, le Cambodge, l’Australie, Hawaï, San Francisco, le Brésil puis le Pérou où je suis resté 15 jours… dont 14 à l’hôpital. Il me restait le Pérou, la Bolivie, le Chili l’Argentine…
J’ai été logé soit dans des guest-house, sorte de chambre d’hôtes à 4 dollars la nuit, ou des hôtels miteux. Parfois aussi chez l’habitant, notamment des connaissances rencontrées à l’assemblée générale de la Fédération luthérienne mondiale, à Stuttgart en 2009.

Comment ce voyage t’a-t-il changé ?

D’abord j’ai eu envie de plus comprendre ma propre culture, ce qui fait mon identité. Par exemple, avant de partir, je ne buvais pas de vin. Mais en rentrant, je me suis rendu compte que cela faisait partie de ma culture, et que je passais à côté de tout un pan de celle-ci. Je me suis donc mis à apprécier le vin ! Je suis rentré aussi plus politisé et avec la conviction que le politique demeure, malgré toutes les critiques et les griefs qu’on lui porte, le lieu légitime d’exercice de la souveraineté nationale et de la lutte pour un changement de la société. Un évêque namibien, Zephania Kameeta, disait qu’on peut faire de la diaconie pendant des années, tant qu’on ne s’attaque pas aux causes du problème, on est condamnés à faire du social.
Mon sujet de thèse a pris forme, je travaille sur un sujet concernant « décroissance et foi chrétienne ».

As-tu entrepris des actions concrètes ?

J’ai fait un travail de l’ombre : une démarche d’information. J’ai suivi l’actualité, et lu des livres d’introduction à l’économie, au droit… Ensuite, j’ai rejoint un temps le mouvement des indignés, j’allais aux assemblées générales, j’ai pris part à la manifestation du 15 octobre 2011, l’apothéose du mouvement au niveau mondial. Je me suis retrouvé dans ce terme d’« indigné » que Stéphane Hessel a popularisé.

Pourquoi ?

Le grand drame de nos sociétés, c’est l’indifférence et la résignation. Même si ce n’est pas suffisant, l’indignation c’est le premier mouvement, la base, le carburant de l’engagement qui suit. J’ai trouvé formidable qu’on ait un mouvement mondial (plus de 140 pays) et international de prise de parole pour dire : le modèle où nous nous trouvons ne nous convient pas car il crée des inégalités. On a retrouvé un souffle qu’on n’avait pas. C’est la raison pour laquelle j’ai eu de la sympathie pour ce mouvement. Mais je m’en suis distancié car le mouvement refusait toute structuration de l’organisation, par peur des travers où on peut tomber. Et puis c’est un mouvement qui se veut apolitique alors qu’il est très politisé, et qui refuse de s’engager dans les deux moments phares de la démocratie que sont les élections présidentielles et législatives. C’est une inconséquence qui ne m’allait pas du tout.

Du coup, où as-tu décidé de t’investir ?

Au niveau de l’Église protestante en Alsace (Uépal). C’est là où la dimension de foi prend son importance. Si on est chrétien, on est indigné. L’Uépal n’avait jamais pris position publiquement au nom de sa foi sur la crise systémique que connaît notre civilisation. J’ai rédigé un brouillon de lettre, je l’ai fait circuler dans mes réseaux (laïcs, profs de fac, pasteurs…) qui l’ont signé. On l’a envoyé à l’Uépal et il a reçu un écho favorable de l’institution. Des groupes de travail ont été réalisés, notamment avec la Caspe (Commission des affaires sociales politiques et économiques de l’Uépal), un texte a été rédigé suite à cela, intitulé « Déclaration à l’occasion des élections présidentielle et législative de 2012 » (disponible sur www.uepal.fr, ndlr).

Es-tu satisfait du résultat ?

Oui. Il faut penser aux enjeux, qui vise-t-on ? Ce texte est court, précis. Il donne une vision claire et des prises de positions sur les enjeux actuels qui sont systémiques. Le message central du texte, c’est de dire que dans les débats actuels on n’est pas au bon échelon, on ne prend pas la hauteur requise. Notre modèle de civilisation est en crise et on se concentre sur de petits détails… Il faut revoir notre vision même du bien-vivre, du bien-être et de l’organisation sociale pour y parvenir.
Dimanche 18 mars, 13 h 30, « Mon tour du monde en 180 jours » par Martin Kopp : photos, récit, partage et débat. Foyer paroissial protestant de Saverne.

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